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Lettre ouverte à Monsieur Fasquelle 

 

Par Aurore Cahon

Monsieur le député, je suis la maman d’un petit garçon de 6 ans et demi atteint d’ « autisme sévère, hyperactivité avec intolérance à la frustration ».
Il a été diagnostiqué en avril 2013 par une pédopsychiatre d’un CMP qui a immédiatement coordonné sa prise en charge pour qu’elle soit la plus rapide possible, aussi bien d’un point de vue administratif que de ses soins. Avec cette personne, nous parlions aussi bien d’affinités, d’invention, de psychanalyse que de PECS, TEACH, et d’ABA.
C’est en étant au plus près de notre enfant que nous avons lu, écouté, tout ce qui touchait de près ou de loin l’autisme. Nous nous sommes formés aussi à vos fameuses recommandations.
Mais chacune des solutions, nous ne les avons trouvées ni dans des livres ni dans des formations aux prix exorbitants. Et encore moins en utilisant une seule méthode de manière unilatérale. Nous avons pioché un peu partout mais toujours en les adaptant à notre fils.
Nous les avons surtout trouvées avec lui, et c’est de cela que s’enseigne la psychanalyse que vous maudissez tant. Parier sur le sujet, partir de ses préférences, jouer avec lui, de l’écoute et tisser un lien que l’on veut indéfectible entre l’enfant autiste et nous.
Nous les parents, les professionnels de santé, de l’école, du comportementalisme, de la psychanalyse.
Parce que oui Monsieur, l’on peut faire tout cela sans clivage, dans une bienveillance commune et même en se respectant les uns les autres. J’y assiste heureuse, toutes les semaines.
Mr Fasquelle, je me permets de vous citer : « Considérant que la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France en février 2015 pour « manque d’accompagnement adapté des personnes autistes » au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits l’Homme et des libertés fondamentales »
Au lieu de débusquer les psyKK comme aiment les appeler vos lobbys, mettez donc en place ce que vous avancez :
–    Mon fils s’est retrouvé sur le trottoir après 10 heures de classe malgré ma présence en classe avec lui, à défaut d’AVS, parce que la MDPH met 6 à 9 mois pour traiter une demande, et cette exclusion s’est faite sous la bénédiction de l’inspection de circonscription, de la direction des affaires scolaires de la ville. J’ai passé 3 mois dans les bureaux à vociférer ma peine de l’exclusion de mon fils dès sa première rentrée, n’est ce pas de la maltraitance ? où sont les droits de l’enfant ?
–    L’hôpital de jour pluridisciplinaire associant toutes les méthodes disponibles dans une orientation des recommandations de l’HAS de façon ultra personnalisée n’a plus d’orthophoniste depuis 2 ans nous obligeant à courir en libéral pour les soins indispensables pour notre fils. Il rate ainsi une demi journée d’école dont il aurait pu profiter si les orthophonistes était mieux payés en intra-hospitalier (ils ne gagnent environ que 1300 euro !) Où sont les moyens dédiés aux établissements en accord avec l’HAS ?
–    Il n’y a plus de psychomotricienne non plus, congés maternité non remplacé… n’est ce pas de la maltraitance pour les enfants ?
–    Les personnels sont extrêmement motivés mais jamais remplacés si malades, obligés de changer de service même en cours d’année s’ils ont atteint les fameux 5 ans maximum au même endroit. Ils sont obligés de lâcher les enfants par obligation, la mort dans l’âme en pleine année scolaire. Nos autistes, Monsieur Fasquelle, sont pourvus de sentiments. Ils s’attachent à ceux qui les acceptent pour ce qu’ils sont, des enfants, que croyez-vous que ça leur fait quand un soignant quitte le navire ? n’est ce pas de la maltraitance ? Et les soignants ?
–    Je suis perpétuellement en train de me battre pour trouver une école à chaque changement : entrée en maternelle, en primaire… (heureusement qu’il y a quelques établissements accueillants…),  pour avoir une AVS, mon ordinateur est usé des lettres tapées sans relâche… les parents d’enfants différents sont usés Monsieur le Député, usés par un système qui ne voit pas où sont nos problèmes du quotidien, et pour ce qui me concerne, usée de cette querelle de bas étage concernant le choix des méthodes.
Est-ce que ce sont les psychanalystes qui empêchent la scolarisation de mon fils ? Je ne crois pas. Est-ce que ce sont les psychanalystes qui ne m’octroient pas une AVS en temps en heure, je ne crois pas.
Est-ce que ce sont les psychanalystes qui affirment qu’ils détiennent LA méthode miracle pour l’autisme et en veulent l’exclusivité ? Non plus.
Est-ce qu’ils passent leur temps à saccager les propos des comportementalistes ? À entretenir cette guerre ? Non plus.
La psychanalyse est maudite aujourd’hui à cause de phrases dites il y a 50 ans, par un psychanalyste qui avait au moins le mérite de travailler sur l’autisme même si évidement je suis contre son idée des « mères frigidaires ». L’ABA dans les années 70, Mr le député, utilisait les punitions corporelles, mais cela, personne n’en parle. Si tous consentent à dire que l’ABA a évolué, pourquoi n’en fait-on pas de même avec la psychanalyse ? Car l’image que vous nous servez à longueur d’année sur les psychanalystes est désuète et à l’opposé de ceux que je connais !

Mais il est bien plus facile de leur mettre tout sur le dos. Il faut un responsable et détourner l’opinion publique des vrais problèmes : le manque cruel de moyens, de places, les conditions de travail des soignants en milieu psychiatrique, le manque criant de spécialiste en intra hospitalier,  la course des mères sur les parkings et dans les salles d’attente. Mr Fasquelle entre mon travail qui est tout près et les aller retour des soins de mon fils je faisais 1000KM par mois l’année dernière ! Dois-je envoyer la facture aux psychanalystes ?
Maintenant je vais vous dire, le plus que ras le bol de tout cela comme beaucoup d’entre nous.
Mon fils va à l’école ordinaire, je me bas chaque année pour ça. Il va chez l’orthophoniste en libérale, il va à l’hôpital de jour où ils utilisent essentiellement des méthodes cognitivo comportementale et ho ! Disgrâce ! Il est suivi également par des psychanalystes à coté car c’est notre choix Mr Fasquelle. Dites moi pourquoi les parents d’enfants autistes ne peuvent pas élever leurs enfants comme ils le souhaitent ? De quel droit ? Vous parlez de « liberté fondamentale », où sont les nôtres ?
Alors c’est fort, personne n’en veut, pas de place nulle part et on vient encore nous dire comment on doit les élever !
C’est vous qui êtes maltraitants avec nous et nos enfants. Vous tous qui tirez les ficelles et croyez mieux savoir que nous ce qui est bon pour nos enfants, c’est insultant vis-à-vis de l’amour et de l’énergie qu’on y déploie…insultant vis-à-vis des professionnels qui nous soutiennent.
Par ailleurs ce clivage dresse les soignants les uns contre les autres alors que tous pourraient s’enrichir de leur savoir. Il va jusqu’à dresser les parents entre eux ! Alors que nous avons tous les mêmes difficultés, c’est invraisemblable !
Mr le député, mon fils aujourd’hui est comme sur une table, chaque pieds représentant un maillon de la chaîne : nous sa famille, l’école publique, les apprentissages spécifiques, (l’hôpital de jour, les méthodes cognitivo comportementale l’orthophoniste), et enfin la psychanalyse.
Mon fils est pleinement épanoui et en progrès constants. Si on retire un de ces pieds Monsieur le député,  mon fils tombe.
Est-ce vous qui allez le faire tomber ?

Mme Cahon,  Maman.

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