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Une passerelle pour nos enfants

Décembre 2013

Par Aurore Cahon

Nous sommes parents d’un merveilleux petit garçon de 3 ans et demi.

C’est un enfant vif, intelligent, câlin, surprenant, drôle… C’est aussi un petit garçon atteint de troubles du spectre de l’autisme ou « autiste » si l’on préfère.

Notre petit pleurait beaucoup étant bébé, et rapidement l’habillage, le déshabillage, les changements devinrent difficiles pour lui. Il faisait beaucoup de colères.

Je me souviens qu’il a mis trois semaines à passer du landau au cosy, alors qu’il n’avait encore que quelques mois… Vers ses 15 mois, il s’est mit à faire de grosses colères et se faisait mal et cela nous inquiétait beaucoup.

Devant mon inquiétude grandissante, mon pédiatre me conseilla de l’inscrire en crèche pour qu’il soit en collectivité. A la fin de l’année dernière nous étions très inquiets, notre petit garçon était comme dans une bulle, nous avons crû qu’il était sourd.

Il évitait clairement le contact avec les autres enfants.

J’ai fait part de mes inquiétudes à la crèche, là-bas il jouait seul, il refusait d’aller aux activités. Après plusieurs consultations, et devant notre entêtement à penser qu’il y avait un problème, nous avons consulté en milieu spécialisé : notre fils était autiste.

A la crèche, il fit de gros progrès, il se mit à aller aux activités, et se fit même deux copains. Nous pensions, en accord avec le CMP, le mettre quand même à l’école, avec un rythme de quelques heures semaines.

Une professionnelle de la crèche où était mon fils me contacta. Elle ne le voyait pas à l’école et s’inquiétait beaucoup du retentissement que cela aurait sur lui. Elle me parla de La passerelle, une structure Quevillaise où elle voyait très bien notre fils, peut être même dès maintenant. J’avoue ne pas l’avoir bien vécu sur l’instant, je ne connaissais pas cette structure, je me disais « il est en plein progrès à la crèche et commence à s’y sentir bien, pourquoi le bouger ? On le chasse parce qu’il n’est pas comme les autres ? On le parque dans une voie de garage ? On va le mettre avec plein d’autres enfants turbulents ? Des durs à cuire dont personne ne veut ? Il n’a pas sa place en milieu ordinaire ? Déjà à 3 ans ? » Je faisais déjà une première erreur, car La passerelle accueille des enfants tout ce qu’il y a de plus « ordinaire ».

Voilà la piètre opinion que j’avais de l’endroit faute de le connaitre… Je m’aperçois d’ailleurs lors de mes conversations à l’extérieur que les gens ignorent son existence, et bien sur,  en savent encore moins sur sa vocation ! Même ceux qui habitent tout près !

Bref, je me suis battue pour qu’il reste à la crèche. J’ai réussi.

Je ne pense pas m’être trompée en le laissant là-bas compte tenu que le personnel faisait un travail formidable avec lui. Il connaissait bien les lieux et y progressa d’ailleurs encore jusqu’aux vacances d’été.

Lorsque nous sommes allés visiter l’école, je voyais bien le grand décalage entre les autres enfants et mon fils. Je me suis souvenue de ce que cette dame m’avait dit, j’ai fait les démarches nécessaires pour avoir une place à La passerelle au cas où la scolarité se passerait mal, faute de mieux car il était trop grand pour la crèche et pour les toutes petites sections aussi.

Le dossier pour la demande d’AVS était en cours, et ce que je craignais le plus arriva, nous n’avons pas eu d’AVS à temps pour la rentrée scolaire. Nous avions pris des photos de son école, de son institutrice, de l’aide maternelle. Nous les avions mises dans sa chambre. Nous avons lu des livres sur l’école, visionné des dessins animés sur le sujet… Nous l’avons préparé au maximum, malheureusement en onze heure de classe, nous sommes repartis un jeudi matin sous la pluie…sans AVS, il ne réintégrera pas l’école, il se sauve de la classe, il ne suit pas le groupe classe dans ses déplacements… Bref, il était trop difficile de le gérer en plus de tous les autres enfants. Quinze jours d’école, onze heure de classe, des mois de préparation, à peine 3 ans et demi, et déjà, exclu du système.

Je ne blâme personne, je constate, c’est tout.

Pourtant, la société a le devoir d’accorder une place à chacun de ses citoyens.

Pour notre fils, pour nous parents, il était vital qu’il ait une place en dehors de notre foyer dès son plus jeune âge afin de l’aider, de ne pas se sentir d’emblée rejeté et de préserver ses acquis. Lui qui a tant besoin de s’ouvrir aux autres, et qui aime la compagnie des  enfants, il était contraint  de rester avec moi à la maison. J’ai appelé La passerelle, on me dit : «  Mais oui madame, il y a une place de réservée pour votre enfant ». J’y vais seule, rencontrer le personnel et voir la structure, la mort dans l’âme de me dire que mon fils n’est pas à l’école comme les autres enfants.

Et là je rencontre un personnel souriant, jusqu’aux oreilles, passionné, investi.

On me présente les lieux qui m’ont paru tout de suite adaptés à mon fils, leur vocation, leur façon de faire et le profil des enfants accueillis : trop grands pour la crèche, pas prêts pour l’école… Ils les laissent déjà se connaître entre eux, et prendre leurs repères dans la salle de jeux, avant d’insérer des temps d’activité, de changements de lieux, des petits goûters à table, puis s’intégrer sur des petites séances à la petite section de maternelle de l’école pour appréhender un plus grand groupe.

Kirikou danse avec Kirikou © Salome Von Ow

On respecte le rythme de chacun, tout en incluant petit à petit, les règles de vie en collectivité. Pour notre fils qui a un grand besoin de temps justement, c’était idéal. C’était comme une immersion vers le monde scolaire tout en douceur, tranquillement.

Notre fils s’est très vite adapté à La passerelle, il a rapidement joué avec les autres et pris beaucoup de plaisir à y aller. Le problème pour lui c’était les changements de lieux, progressivement et en douceur, l’éducatrice de La passerelle l’a amené à suivre le petit groupe en salle de motricité, en récréation…Comme elle le fait pour les autres enfants dits « ordinaires » (même si je n’aime pas trop ce mot). Au final, il sait maintenant enlever son manteau tout seul, est moins rigide aux changements de lieux, suit le groupe vers les différents endroits de l’école où siège la passerelle.

De plus, pour un enfant avec autisme, c’est extrêmement enrichissant que de se trouver avec des enfants avec un mode de fonctionnement plus classique, cela lui apprend tellement de choses au niveau social, du rapport aux autres et même du mimétisme… Notre fils réclame « pot la toilette ! » depuis qu’il va au toilette avec ses petits copains. Il observe les autres faire. Et quoi de mieux pour l’avenir de notre société de montrer aux enfants dits « ordinaires » que la différence existe, de la côtoyer dès le plus jeune âge au quotidien et mieux, de s’en faire une amie !

Ces deux matins par semaine où je vois notre fils courir de plaisir jusqu’à la porte de La passerelle, s’asseoir bien sagement, commencer à enlever son manteau seul, rentrer avec un grand sourire en toute confiance dans la salle de jeux, et aller vers ses amis, jouer avec eux, rire ! C’est un bonheur indescriptible, comme s’il naissait à nouveau.

Kirikou danse avec Kirikou

Je souhaite vivement, à travers ce témoignage, remercier les personnes qui s’occupent de lui, là bas. Celle qui me la conseilla, et à mon tour, la faire connaitre à tous les parents dont les enfants en âge de rentrer à l’école, mais qui ne sont pas encore tout à fait prêts, quelle qu’en  soit la raison. N’hésitez pas, il en existe dans d’autres communes, même si elles ne sont certainement pas assez nombreuses.

 

http://www.petit-quevilly.fr/enfance/petite-enfance/la-passerelle  

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