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La Main à l’Oreille
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PETITE HISTOIRE DE LA MAISON DES PETITS INVENTEURS

par Marie-Annick Dion

Logo créé par Arthur Allix et Cédric Peiffer –

Il y a quelques années, en acceptant un poste d’Auxiliaire de Vie Scolaire, j’ai rencontré Arthur Allix. Arthur a le syndrome d’Asperger. Comme j’étais chargée de l’aider à l’école et que mon ignorance de l’autisme l’a un peu effaré, Arthur a bien voulu se charger de mon éducation.

C’était nécessaire : je n’y connaissais rien, ou presque. Arthur, lui, vivait son Asperger au quotidien. Nous avons eu des mésaventures et des coups de gueule, de bons moments et de grandes discussions, et au fur et à mesure, nous avons inventé ensemble des moyens d’affronter le quotidien… Notre quotidien, le sien et le mien mêlés : sur les bancs de l’école durant la journée, mais aussi à l’association Geppetto, pour une séance par semaine, lieu d’accueil qui nous a ouvert ses portes en nous offrant un espace de création pour réinventer notre relation loin des exigences du milieu social et scolaire.

Notre quotidien s’est tricoté, au long de trois années, et ce faisant, une maille après l’autre, Arthur m’a fait le cadeau de m’apprendre l’autisme. Enfin, le sien. Son Asperger à lui, qui n’est pas celui du voisin. Arthur m’a enseigné, à l’école, dans la rue, dans le métro, en sortie scolaire : il m’a enseigné sa singularité. J’ai appris que le monde était encore plus grand que je ne le pensais, qu’il existait encore d’autres manières de le voir, de le vivre, de le comprendre, et d’en souffrir parfois.

Nous avons écrit « Le Petit Traité d’Antoinologie », où je le surnomme Antoine, et où je raconte notre chemin pour découvrir son autisme.

Après mes années aux côtés d’Arthur, je suis partie, j’ai rencontré Aurore, Matthieu et leur fils Eliott, qui m’ont appris encore bien d’autres choses… L’antenne normande de La Main à l’Oreille est née du désir d’Aurore, et je l’ai suivie dans cette aventure, pour continuer de me laisser enseigner par les autistes, par leurs familles, écoutant avec passion ce que je n’avais jamais entendu sur les bancs de l’université, découvrant avec un bonheur vif tout un monde de créations, celles des autistes, celles de leurs proches, ces dessins, ces photos, ces mille manières d’être au monde que je ne connaissais pas, ce savoir être avec l’autisme proposé avec élégance par une association de personnes cherchant inlassablement comment « faire avec » dans le souci de la singularité, du cas par cas.

Alors j’ai eu l’idée de créer ce que nous appelons « La MAM ». Une Maison des Assistants Maternels pour accueillir des enfants, des enfants d’ici, d’ailleurs, autistes, pas autistes. Pas tous les enfants : nous ne pouvons pas remplacer les établissements spécialisés, ceux qui ont le personnel, ceux qui ont d’autres moyens. Mais enfin, accueillir les enfants que l’on peut.

Au centre de ce projet, une proposition simple : oublier la norme et ses amoureux. Ouvrir un lieu qui accueille des enfants autistes et des enfants… comment les appeler ? Des enfants dits normaux ? Neuro-typiques ? Epineuse question !

Un lieu en tous cas où l’on pourrait faire l’offre d’accueillir, en journée, des enfants autistes. Ceux pour qui le petit groupe, la petite collectivité n’est pas trop difficile ; mais ceux pour lesquels c’est quand même compliqué, qui ne vont pas à l’école ou pas tout le temps, ou à l’hôpital de jour, mais pas tout le temps, ou encore ceux qui ne vont encore nulle part et dont la famille a tellement besoin de répit.

Le temps d’écrire le projet, de créer une association pour le soutenir (l’association Autrement Dit, dont Arthur a créé le logo) de remplir des cartons de dossiers administratifs, de recruter une équipe qui sache se joindre de tout cœur à cette éthique et à ce désir d’accueillir l’exceptionnel, le temps de passer les formations, d’obtenir les agréments, de chercher, de trouver, de financer la location de la Maison… puis de refaire encore une fois les dossiers, les agréments, l’ERP5, les travaux, l’aménagement, la visite finale… et voilà la MAM ouverte ! La Maison des Petits Inventeurs est née. Nous sommes trois à y travailler chaque jour : Chantal Dereigne, Aloïs Rich et moi.

La semaine, elle accueille un groupe d’enfants, des petits et des plus grands, bébé Lise et ses flamboyants cheveux roux, Paulo qui nous offre ses grands éclats de rire et sa passion pour les Barbapapas, Léa, cette petite personne si décidée qui trotte dans la MAM avec son palmier de cheveux blonds dressé droit sur la tête, Hélène qui passe de jeu en jeu, en chantonnant, dans sa « bulle autistique », Alice qui va l’y chercher en lui disant : « Pas parler c’est pas grave, mais pas jouer c’est pas bien, allez, viens ! », l’entraînant à sa suite dans un parcours de rires et de jeux sous nos yeux étonnés, Julie qui est née avec un cerveau différent et que nous essayons avec toute notre force de comprendre et d’accueillir, Liam le bolide aux yeux bleus, Ronan prêts à nous apprendre l’anglais qu’il apprend seul dans des applications, à la vitesse de l’éclair, car il parle quatre langues déjà, du haut de ses huit ans.

Le week-end, deux fois déjà, la MAM a ouvert ses portes aux familles de La Main à L’Oreille pour des goûters parents – enfants. Peuvent y venir les papas, les mamans, les enfants autistes, leurs frères et sœurs, leur grand-mère. Peuvent y venir les familles monoparentales et les familles nombreuses, peuvent venir toutes les situations, tous les comportements. La MAM est un lieu pour tenter un moment de voir autrement le trouble, de se décaler à plusieurs, de dire les peines mais aussi de tenter de les réparer un peu, où personne ne s’offusque qu’un enfant ne s’allonge par terre, ne chante à tue-tête, ne raconte avec pléthores de détails la configuration de sa cour de récréation. Le bizarre n’est pas suspect à la MAM ; il est notre invité. Nous ne le regardons pas de travers, nous l’accueillons comme il vient. Alors les parents peuvent respirer, un peu, un moment. Se confier, se soutenir, nouer des liens.

En juillet nous avons invité nos amis de La Main à l’Oreille d’Ile de France. Louis a visité la MAM de bout en bout, Georges a organisé une petite planque pour inviter son nouvel ami normand à partager un moment de jeu vidéo, Yacine le petit jardinier a répertorié toutes nos plantes, cueillant les branches qui lui plaisaient. Les familles se sont rencontrées, nous avons tous parlé, joué, dedans, dehors, prenant au fur et à mesure de l’après-midi le temps de saisir quelque chose de la vie de l’autre, se demandant ensemble comment faire avec, quel dispositif imaginer, quelles astuces inventer, comment aménager les maisons, comment redessiner les contours de nos existences en y incluant l’autisme des petits et des grands.

La MAM peut servir à ça aussi : un lieu d’accueil, un lieu d’écoute, où l’on se fiche bien du bazar des jouets étalés, du moment que ça joue, que ça parle, que ça vit, que chacun comme nous sommes nous puissions nous rencontrer, un endroit qui invite le sujet à se présenter comme il le souhaite, avec l’autisme qui traverse sa vie.

Marie-Annick Dion.

 

Louis
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