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Intervention au Sénat

"Réorienter le 3ème Plan Autisme"

Colloque au Sénat – le 9 septembre 2015

Réorienter le 3ème Plan Autisme

Pour une véritable politique d’accueil humaniste et plurielle

Par Mireille BATTUT, Présidente de La Main à l’oreille (lamainaloreille@gmail.com), Association régie par la loi de 1901 et membre du Rassemblement pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle (leRAAHP@gmail.com), Association régie par la loi de 1901 

Notre constat

Depuis la mise en œuvre du 3ème Plan Autisme, une méthode unique est imposée au nom d’une doctrine – le comportementalisme – érigée en science d’Etat. Notre courant de pensée qui réclame un abord humaniste et pluriel des autismes ne doit plus être ignoré. Alors que les questions d’éthique sont mises de côté au nom d’une efficacité qui n’a pas fait ses preuves, les professionnels qui prennent soin de nos enfants sont déconsidérés, et les familles laissées dans l’abandon après le diagnostic. Car ce qui manque le plus cruellement, ce sont les structures d’accueil et l’inclusion scolaire.


Nos demandes de réorientation du 3ème Plan Autisme

A. La politique actuelle est fondée sur une idéologie coûteuse, pour une population trop réduite, et n’a pas fait la preuve de son efficacité

B. Nos propositions, au regard de la diversité des situations dans le spectre de l’autisme :

1/S’appuyer sur une pluralité de dispositifs, des formations diverses et ouvertes, et une recherche vivace

2/Mettre en place une prise en charge soutenable après le diagnostic précoce et redonner la priorité à la continuité des parcours, dans une conception humaniste et plurielle du devenir de l’individu

3/Rétablir le pluralisme dans les instances d’orientation en reconnaissant notre courant de pensée


A. La politique actuelle est fondée sur une idéologie coûteuse, pour une population trop réduite, et n’a pas fait la preuve de son efficacité

Neuville devant le Comité national Autisme du 16 avril 2015 glisse quelques lignes discrètes sur le résultat de l’évaluation des 28 structures expérimentales, toutes reposant sur la méthode ABA : « Perspective : compte tenu de la forte hétérogénéité observée dans ces structures, il s’agira d’assurer un accompagnement spécifique du futur passage en « droit commun » des 28 établissements et services expérimentaux : élaboration d’un socle commun de fonctionnement et d’organisation, meilleure identification des publics cibles, modalités de coopération avec les acteurs du médico-social, du secteur sanitaire et de la formation, appui à une meilleure organisation des aspects de ressources humaines au sein des structures ». L’expérimentation n’a débouché sur aucun élément généralisable. Autrement dit, malgré l’attention et la bienveillance dont elles ont fait l’objet, ces structures ne font pas mieux que des IME classiques, avec un coût bien supérieur.

Encore avons-nous noté qu’un critère d’évaluation majeur : le suivi des parcours, avait été évincé de ces évaluations par l’organisme d’audit et qu’il a été remis in-extremis à l’ordre du jour d’une prochaine réunion du comité de suivi. Or, l’expérience québécoise a montré que l’investissement exclusif dans les méthodes comportementales au détriment des autres mesures n’a pas diminué le nombre d’adultes dépendants et le manque de places s’y fait d’autant plus cruellement sentir. Nous souhaitons éviter que la France ne se retrouve dans la même impasse.

M. Marc Bourquin (I), directeur du pôle médico-social de l’ARS d’Ile-de-France reconnaissait lors de la journée parlementaire autisme à Paris le 8 avril 2015, que « pour mettre en place les méthodes intensives précoces, il faut doubler les moyens en personnel par rapport aux prises en charge actuelles et que, pour ce faire, nous manquons encore d’études qui démontrent sur le long terme le gain économique ».

B. Nos propositions, au regard de la diversité des situations dans le spectre de l’autisme :

1- S’appuyer sur une pluralité de dispositifs, des formations diverses et ouvertes, et une recherche vivace

Une orientation unique ne peut embrasser toutes les situations. Aussi, il nous semble sage de continuer de nous appuyer sur les structures existantes, tout en les incitant à évoluer, comme beaucoup d’entre elles l’ont fait, en intégrant dans leurs pratiques une application raisonnée et équilibrée des recommandations de bonnes pratiques professionnelles s’appuyant sur le triptyque thérapeutique, éducatif et pédagogique.

Nous alertons sur le fait que la secrétaire d’Etat prépare une série de mesures portant sur la formation des travailleurs sociaux, la révision des critères de DPC et les centres de diagnostic de proximité. Il s’agit cette fois de retirer leur label à toutes les formations professionnelles qui ne seraient pas comportementales. Il est question de distribuer des « Label Autisme » aux établissements sur ces seuls critères, délivrés par des associations ou des organismes privés. Faut-il rappeler que les recommandations de la HAS et de l’ANESM sont destinées à être une aide au praticien mais ne lui sont pas opposables. Instrumentaliser ces textes – réduits à la seule page consacrée au classement (fort discuté) des méthodes – pour interdire des formations ou éliminer d’office des candidatures dans les appels à projets est non seulement illégal et liberticide, mais c’est aussi un dévoiement qui pourrait délégitimer ces deux autorités de santé.

Quant à la recherche, vouloir la cantonner aux évidences déjà prouvées nous semble relever soit d’une incohérence logique soit d’un retour stérile à la notion de science d’Etat. Il est au contraire souhaitable de favoriser une plus grande interdisciplinarité en ce domaine qui touche toutes les dimensions de l’humain.

2- Mettre en place une prise en charge soutenable après le diagnostic précoce et redonner la priorité à la continuité des parcours, dans une conception humaniste et plurielle du devenir de l’individu

Depuis le lancement du 3ème plan autisme, un nombre important d’actions a été mené pour structurer le réseau de repérage, de diagnostic et d’interventions précoces (II). Cependant, le fléchage de l’offre pose des problèmes de places disponibles (30 unités d’enseignement en maternelle pour 280 enfants, mais impossibilité de généraliser le dispositif au-delà de 700 enfants), de risque d’exclusion pour les enfants diagnostiqués avec autisme, et de discrimination pour les autres. A titre d’illustration, dans un IME, la création d’une unité spécifique autisme à encadrement renforcé a conduit à réduire le taux d’encadrement des autres enfants selon des critères largement discutables, produisant des distorsions de prise en charge qui peinent à trouver justification. A côté de bénéficiaires triés sur le volet d’autres se retrouvent avec des programmes en pointillé, ou pire, à la maison pour des raisons de non correspondance à tel ou tel critère. C’est pourquoi la politique de labellisation prévue dans la 2ème phase de mise en œuvre du Plan autisme va se révéler discriminatoire et risque de conduire à plus de ruptures de parcours, ce qui n’est pas le but.

Alors que les files d’attente s’allongent, des services ou des établissements sont maintenant fermés du jour au lendemain, sans que l’avis soit demandé aux familles utilisatrices, les laissant sans solution. Le raidissement des critères aboutit à resserrer et rigidifier l’offre. Les injonctions répétées et le climat guerrier entourant tout ce qui s’approche de l’autisme finissent par effrayer les professionnels et désorienter les parents, ce qui est contraire à la recherche de partenariats de confiance entre parents et professionnels. Pourtant, la même recommandation citée systématiquement pour le classement des méthodes, insiste sur l’importance primordiale de la continuité des parcours de soins, d’éducation et d’aide sociale, pour éviter les absences de prise en charge dès le début et les ruptures à tous les âges charnières, ou lors de tous les incidents et accidents de vie, générateurs de crises dans l’accompagnement et d’exclusion sociale ou institutionnelle. Nous partageons ce point de vue.

Avec le RAAHP, nous entendons défendre une approche humaniste et plurielle des autismes et nous considérons que ce qui apparaît ici comme un conflit entre méthodes ou entre positions idéologiques ne doit pas voiler le fait que ce que nous avons à défendre en commun, en tant qu’associations de familles, c’est avant tout la création d’un nombre suffisant de places pour accueillir nos enfants, les aider à devenir adultes, et savoir qu’ils seront accueillis lorsque nous ne serons plus là pour les protéger. Le principal retard de la France se situe à ce niveau.

3 – Rétablir le pluralisme dans les instances d’orientation en reconnaissant notre courant de pensée

Le pluralisme est une des conditions indispensables de la vie démocratique. L’esprit critique est au fondement de toute découverte et de tout progrès. Il est donc inadmissible que ne soient représentés au Comité de Suivi, au Conseil Scientifique de l’ANESM et au CNCPH que des associations et des personnalités qui soutiennent inconditionnellement la même lecture de ces recommandations. Les approches exclusivement éducatives ou rééducatives font l’impasse sur la souffrance psychique. C’est pourquoi elles sont  impuissantes à comprendre et traiter les passages à l’acte auxquelles elles ne savent répondre que par la contention ou l’exclusion. La main à l’oreille et le RAAHP ont beaucoup de choses à dire sur ces sujets. Nous avons présenté à plusieurs reprises la demande de pouvoir participer au comité de suivi du Plan, de façon à ce que notre courant de pensée – qui regroupe de plus en plus de parents – puisse apporter sa contribution. Nous attendons toujours la réponse.

Mireille Battut

lamainaloreille@gmail.com

(I) M. Marc Bourquin, directeur du pôle médico-social de l’ARS d’Ile-de-France reconnaissait lors de la journée parlementaire autisme à Paris le 8 avril 2015, que « pour mettre en place les méthodes intensives précoces, il faut doubler les moyens en personnel par rapport aux prises en charge actuelles et que, pour ce faire, nous manquons encore d’études qui démontrent sur le long terme le gain économique ».

(II) Plusieurs études convergentes, dont une récente étude suédoise publiée par le british medical journal (The bmj 28 avril 2015) http://www.bmj.com/content/350/bmj.h1961, montrent que la forte augmentation de la prévalence de l’autisme n’est pas une épidémie, mais relève d’une série de changements administratifs qui combinent une plus forte sensibilisation (intégration de troubles plus modérés dans la détection) et une substitution par rapport à d’autres diagnostics.

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