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Les thérapies comportementales intensives

 une prise en charge inadaptée

L’autisme et les méthodes d’intervention est un sujet d’actualité hautement disputé, particulièrement depuis la parution du livre de Laurent Mottron, l’intervention précoce pour enfants autistes. Un livre qui remet entièrement en question la pertinence et surtout, le côté éthique des thérapies comportementales intensives.

Rappelons que, depuis 2003, au Québec, on recommande aux parents venant de recevoir un diagnostic d’autisme pour leur enfant, d’entreprendre une intervention comportementale intensive (ICI) d’environ 20 h par semaine. Ces interventions visent les jeunes enfants autistes de moins de 5 ans. L’objectif premier de l’ICI est de rendre l’enfant « moins autiste » en modifiant ses comportements. Selon le principe de l’ICI, « le plus tôt, le mieux », il faut intervenir rapidement afin que le cerveau de l’enfant reprenne son cours normal de développement.

Pour eux, l’autisme étant considéré comme un trouble du cerveau, le but de l’intervention est de modifier les circuits cérébraux avant que les séquelles neurologiques deviennent permanentes. Selon le principe « le plus, le mieux », il est recommandé de suivre une intervention intensive pouvant aller jusqu’à 40 h par semaine. Cette intensité repose sur la répétition des apprentissages que l’on souhaite faire maîtriser à l’enfant autiste, le tout basé sur le modèle social neurotypique actuelle.

Selon ces postulats, l’autisme n’est pas considéré comme une neurologie distincte. On tente de faire acquérir des compétences à l’enfant autiste ou à lui faire rattraper son dit retard sans tenir compte que le développement d’un enfant autiste diffère totalement de celui d’un enfant typique. L’enfant autiste n’est pas en retard pas plus que ses capacités sont déficitaires. Les aptitudes s’expriment à un autre moment ou de manière différente. L’intelligence focalisée des autistes se déploie progressivement et parfois plus lentement.

Nous souhaitons favoriser l’autonomie des autistes mais les ICI ne favorisent pas leur autodétermination afin qu’ils puissent parvenir à atteindre leur plein potentiel. Les thérapies comportementales intensives et leurs dérivées favorisent d’entraîner l’enfant à des comportements qu’il ne présente pas spontanément et qu’il devrait présenter s’il était comme les autres. Mais un enfant autiste, de par sa neurologie différente, n’est pas comme les autres ! En ce sens, toutes les tentatives de normalisation sont une atteinte profonde à l’esprit autistique dont l’impact futur n’est pas mesuré.

Lorsque ces thérapies prennent plusieurs heures par semaine, les temps d’exploration libres de l’enfant sont limités et ce, même par le jeu, car les objectifs des ICI sont toujours des apprentissages et ces apprentissages vont à l’encontre de la neurologie autistique. Lorsque, pour qu’un enfant acquière une compétence, les intérêts spécifiques de l’enfant sont utilisés comme renforçateur positif, nous exerçons sur lui un conditionnement, une forme de violence ordinaire. Nous lui imposons de réaliser une tâche en utilisant une manipulation émotive douce dont les effets émotionnels à long terme ne sont pas estimés. Et pourtant, l’exploration libre de l’enfant autiste et de ses intérêts spécifiques devraient être favorisés, alimentés et enrichis par le parent, au même titre que peuvent l’être les jeux d’exploration libres des non autistes.

Les ICI tentent d’enrayer certains comportements jugés indésirables ou nuisibles au bon développement de l’enfant. Mais, aucun comportement ne devrait être supprimé sans d’abord être compris, particulièrement lorsqu’on parle de petits gestes singuliers ou de crises. Pour permettre l’épanouissement et le développement de l’intelligence émotionnelle d’un enfant, l’objectif n’est pas la suppression de crises mais bien la compréhension et l’accompagnement de celles-ci. Il en va de même pour ces petits gestes qui expriment bien souvent une émotion et non un maniérisme comportemental.

Par ailleurs, plusieurs critiques abondent quant aux recommandations émises par Laurent Mottron. Ces critiques, bien que très pertinentes et compréhensives, se fondent sur une mauvaise compréhension et interprétation. Le livre, l’intervention précoce pour enfants autistes, est conçu pour les autistes classiques (kanner, typiques). En aucun cas l’autisme Asperger y est abordé. Ainsi, contrairement à une croyance qui circule, les autistes « sévères » ne sont pas tenus à l’écart, bien au contraire ! Ces recommandations sont d’autant plus pertinentes pour ces derniers.

Miser sur les forces d’un autiste pour son apprentissage ne signifie pas de le laisser seul à rien faire. Aucun enfant, autiste ou non autiste, ne devrait être dispensé d’une éducation ! Apprentissages non conventionnels n’est pas synonyme d’abandonner son enfant à lui-même. Il s’agit simplement de repenser notre manière d’interagir avec lui afin de favoriser et enrichir ses apprentissages.

Maintenant, il est essentiel de véhiculer de l’information sur l’autisme vu de l’intérieur, sur le fonctionnement de la pensée interne et sur le fonctionnement de l’intelligence focalisée ainsi que sur le rythme de développement normal d’un autiste. Il semble particulièrement urgent et primordial d’agir quant à instaurer un programme d’outils, d’aide et de soutien pour les parents.

Un enfant autiste comporte un lot de défis et de questionnements pour les parents qui se retrouvent souvent dépourvus de solutions face aux comportements atypiques, envahissants et surtout, dangereux de leur enfant. Les effondrements émotionnels, les nombreuses crises, l’automutilation sont tous des comportements qui dépassent, épuisent, découragent, chagrinent et effraient plusieurs parents. Le sentiment d’impuissance et de culpabilité de ne pas comprendre et de ne pas savoir comment aider son enfant est pesant au quotidien.  Il existe une multitude de méthodes alternatives empathiques et respectueuses de la personne autiste mais, dans cet optique, aucun programme est mis sur pied et l’information à ce sujet est quasi inaccessible.

Bien outillé, le parent sera toujours le mieux placé pour comprendre et répondre aux besoins de son enfant. Il est déplorable que certains spécialistes en autisme, fervents des thérapies comportementales intensives, laissent croire le contraire aux parents.

Également, aucun programme est mis sur pied pour aider les parents à prendre soin d’eux, ce qui est pourtant indispensable. Pour reconnaitre et accueillir les émotions intenses de nos enfants, nous devons avant tout savoir reconnaitre et accueillir les nôtres sans jugement. Il faut également être disposé émotionnellement nous-même pour le faire. Or, quand les parents manquent de ressources, l’épuisement parental est présent dans de nombreuses familles. Le cycle de crises, de comportements intenses, de culpabilité, d’incompétence continu et s’intensifie au grand désarroi de toute la famille.

Avoir le choix des techniques d’éducation pour son enfant devrait être un droit. Mais que peuvent faire les parents s’il n’existe qu’une seule et unique option et que cette dernière outrepasse les droits fondamentaux des enfants et qu’une violence silencieuse ordinaire est appliquée. Une seule et unique méthode ne peut être bonne et s’appliquer pour tous, mais une méthode, en l’occurrence l’ICI, peut être dévastatrice pour tous.

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